Histoire et Patrimoine de Cambes

"Gué et épée !"

Cambes, mot latin, signifie lieu d’échange et de passage et nous rappelle l’existence, dans les temps antiques et historiques, d’un gué sur la Garonne (le premier depuis l’Océan), en amont du bourg actuel, connu dans l’histoire sous le nom de "trouée de Cambes" située face à l’Isle Saint Georges sur la rive gauche. Ce gué, emprunté par les hommes des temps protohistoriques fut aussi utilisé par les différentes vagues d’invasions en Aquitaine du IVème au VIIIème siècle. Ce fait fut confirmé par la découverte archéologique de l’épée de type " Gündlingen" à Cambes – datant du VIIème siècle av. J.C. ou âge de bronze - trouvée à cet endroit et visible au Musée d’Aquitaine de Bordeaux.

 

Le village s'est développé à partir de 3 ports situés au débouché de 3 vallées, entre un plateau fertile planté de vignes et en bordure du fleuve, navigable vers Burdigala :

  • Petit Port face à la vallée du Luc descendant de St Caprais de Bordeaux
  • Grand Port descendant du hameau de Lataste
  • Esconac, face au coteau abrupt aux confins de Cambes et de Quinsac

Avant l’aménagement de la route départementale D10 au XIXème siècle, lorsque la Garonne et son chemin de halage était la seule voie de communication, Cambes était un village de marins, de constructeurs et de maîtres de bateaux. Dans le vieux cimetière de Cambes, de nombreux capitaines reposent face au fleuve. Sur les tombes on peut apercevoir ancre, sextant, mappemonde….

Le petit village n'entre dans l'histoire qu'au XIIème siècle avec mention de Raymond de Cambes, seigneur de Cambes vers 1120 environ et d'Alexandre de Cambes, maire de Bordeaux en 1228.

Trois grandes familles seigneuriales se succédèrent dont la famille Lamothe (XIII - XVIème siècles) qui édifia le château fort de Cambes ( entre Esconac et le Grand Port). Ils donnèrent deux maires à Bordeaux dont François de Lamothe, maire en 1350 et en 1358.

Les Jaubert de Barrault au tournant du XVIIème siècle dont Aymeric qui devint maire de Bordeaux de 1613 à1617 et la famille de Mallet de 1655 à la Révolution.

Sous le vocable de Saint-Martin

Au centre du village, l’église Saint-Martin (inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques), atteste une implantation très ancienne. En effet, une villa gallo-romaine, située à l’emplacement du bourg est à l’origine de celui-ci.

Les seigneurs de Cambes firent don de l'église en 1165 aux Bénédictins de l'abbaye de Sainte Croix de Bordeaux dont elle dépendit jusqu'à la Révolution. Les moines apportèrent à la paroisse de nouvelles activités par la construction de moulins et d'une tuilière (vers 1240) et par le developpement de la viticulture, de la tonnellerie et de la batellerie.

Un fragment de mur du IIIème siècle est visible au début du chemin Brémontier, près du chevet de l’église. Celle-ci, remaniée au XIXème siècle, fut construite au XIème siècle et possède un portail du XIIème siècle surmonté d’une belle corniche sculptée de 15 modillons, oeuvre du maître de Ste Croix.

A l’intérieur on trouve un enfeu funéraire avec fonts baptismaux et albâtres du XIVème siècle, un retable monumental du XVIIIème siècle dans le choeur, une chaire en stuc style Louis XV, trois statues en pierre polychrome, des vitraux ainsi que de multiples tableaux.

L' Ermitage Ste Catherine, le miracle de Cambes

Il existe un lieu secret à Cambes qui mérite une attention particulière mais qui n'est pourtant plus visible de nos jours par le public.

Aux temps où les ports de Cambes étaient encore actifs, les marins vouaient une grande dévotion à Sainte-Catherine. A ce titre, une petite chapelle lui fut dédiée et fut construite dés le XIVè siècle à flan de coteau en face de la mairie actuelle. On raconte qu'un jour de très grosse tempête, les marins invoquèrent la sainte patronne des mariniers et la tempête cessa aussitôt. Un vitrail évoque ce récit.

L'Ermitage de Cambes fut fondé dit-on, en 1523, par Jacques Peyron, chanoine du diocèse de Saintes, occupant une cavité naturelle dont la toponymie des coteaux de la rive droite de la Garonne était riche. Ce petit sanctuaire se situait proche d'une maison bourgeoise du XIXe siècle dans le bourg, ayant appartenu successivement à deux artistes de renom : Daniel Collasson et Robert Caumont.

La grotte de 10 m de profondeur et de 3m de haut a subi divers aménagements, présentant notamment deux autels en pierre, d'un portique surmonté de la statue de ste Catherine et ornée de magnifiques fresques murales.

A son départ de Cambes en 1531, Jacques Peyron devint le gardien du fameux phare de Cordouan et fit donation de l'ermitage et de ses chapelles, de la maison et des jardins attenants à l'abbaye de Ste Croix à Bordeaux. Les lieux furent occupés durant les deux siècles suivants avant de voir un rocher en obstruer l'entrée au début du XIX ème siècle et tombés dans le silence.

Les 3 statues de Ste Catherined'Alexandrie, de Marie vierge en majesté et de Ste Anne ont été sauvegardées et préservées dans l'église de Cambes.

L'Ermitage a été fermée définitivement par mesure de sécurité et n'est pas visitable (propriété privée).

Les tonnelliers de Cambes

Il n'est pas possible de parler de Cambes sans évoquer la tonnellerie, intimement liée à la viticulture et à l'activité économique du village et dont l'emblème figure sur le blason.

Très tôt, les barriques ont envahi les berges et les cales des ports, le fleuve servant d'axe de transport. Chacun cultivait son lopin de vignes et fabriquait son vin et ses tonneaux : le bruit des marteaux des tonneliers rythmaient la vie locale : à 5 h, le forgeron, à 8h , le tonnelier. La tonnellerie Demptos fondée en 1925 sur les bords de Garonne, était le plus gros employeur et comptait encore 40 ouvriers à sa fermeture en 1982. Deux des leurs furent Meilleurs Ouvriers de France.

Aujourd'hui, le vignoble de Cambes, sous l'appellation Côtes de Bordeaux, très bien exposé, comporte une dizaine de propriétés (allant des petites exploitations familiales aux grands domaines) et dont le vin est très apprécié.

  On ne pêche plus dans la Garonne l’esturgeon dont les œufs, très appréciés (caviar) faisaient le bonheur d’une maison parisienne (Prunier) qui achetait tout ce qui arrivait à Cambes, pour sa production de caviar. Toutefois les pêcheurs actuels remontent encore dans leurs filets ou nasses, à la saison, lamproies, anguilles et crevettes.

Quelques personnalités sont passés par Cambes

Il est aussi des personnalités qui hors de cette évocation historique, méritent de rester dans la mémoire des cambais, des hommes et femme célèbres qui ont vécu ou sont passés à Cambes :

  • Nicolas Brémontier (1738 – 1809), ingénieur et Inspecteur Général des Ponts et Chaussées qui fit accepter par Napoléon 1er en 1801 son plan pour fixer les dunes de Gascogne par des plantations de pins, à l’origine de la forêt landaise. (plaque commémorative sur les murs de l'église). Il vécu au domaine dit de Brémontier. Il fut le 1er a expliqué le phénomène du mascaret. Il vécu au domaine de Mauras sous le nom de Chevalier de Mauras.
  • François Mauriac s'inspira de l'histoire d'une habitante de Cambes, Henriette Canaby, accusée d'avoir empoisonnée son mari en 1906 pour en faire son roman " Thérése Desqueyroux". Sa demeure se situe dans le vieux bourg.
  • Cambes accueillie en 1921, une communauté russe qui vécut au domaine des Marronniers ( lieu dit Roberie) dans les hauts du village. Il s'agissait d'une parente de Léon TOLSTOÏ entourée de ses fils.
  • En avril 1961, lors d'un voyage dans le sud-ouest, le Général de Gaulle s'arrêta devant le monument aux morts de Cambes.
  • Les deux artistes, graveurs, peintures et illustrateurs, Daniel Collasson et Robert Caumont ont vécus à Cambes : nombreuse de leurs oeuvres ont été déposées au Musée des Beaux Arts de Bordeaux et certaines ont été léguées à la mairie de Cambes par Marcel Natte.

Deux artistes de renom

Daniel Collasson (autoportrait de gauche)

Né en 1875, natif d'Angoulème, il épousa sa nièce, Madeleine avec qui il s'installa à Bordeaux. Formé à la gravure, il travaille pour des imprimeurs bordelais et charentais et produit à cette époque un grand nombre d'étiquettes de vin. Auteur fécond, il est aussi poète, musicien, compositeur et réalise d'innombrables gravures et dessins de portraits et de paysages. En vacances régulièrement à Quinsac, Daniel et Madeleine Collasson découvre l'Ermitage de Cambes et la demeure qui le jouxte. Ils en deviennent propriétaire en 1927 et y travailla jusqu'à sa mort en 1943.

Robert Caumont (portrait de droite)

Né à Bordeaux en 1881, il se forme très jeune au dessin.

Les noms de Collasson et Caumont sont de longue date intimement liés : ami de Daniel Collasson, celui-ci légua à Robert Caumont une partie de son oeuvre et lui demanda de veiller sur Madeleine. C'est ainsi que Madeleine Collasson devint Madeleine Caumont en 1945. Le couple continua à vivre à l'Ermitage à Cambes. Robert Caumont rêve très tôt de devenir dessinateur reporter et dés 1914, la caserne Faucher à Bordeaux à laquelle il est rattaché, devient le théâtre privilégié de ses dessins et croquis des soldats blessés. Il est aussi l'observateur de la vie quotidienne et des rues animées bordelaises en ce début de siècle. Très attachée à Madeleine, il en dressa de nombreux portraits. Il illustra à la fin de sa vie, l'oeuvre de Victor Hugo " Quatre- vingt-treize".

Collection de gravures et dessins de COLLASSON et CAUMONT

Certaines oeuvres ont été léguées à la mairie de Cambes par Marcel Nattes. Un fonds important a été déposé au Musée des Beaux Arts de Bordeaux. Une partie des oeuvres de Caumont sont exposées à la Maison Victor Hugo à Paris et au musée Edmond Rostand à Cambo. En 2017, plusieurs oeuvres ont fait partie d'une exposition à la Cité du Vin à Bordeaux.

- Photothèque à venir -

Le Blason de Cambes

En septembre 2021, M Reynaud, président de l’association Sites & Monuments Cambais, a remis à la mairie le blason de notre village sauvé de la destruction il y quelques années de cela.
Contrairement à ce qu’il semble, l’histoire de ce blason est plutôt récente car il a été crée par M. Reynaud lui même et M. Nony en 1995.

Blason et texte explictif ci-dessous :

Sources :

- Recherches et travaux de l'Association Sites et Monuments de Cambes : textes de Jean-Pierre Reynaud, Jacques Souan, Marie-Françoise Morere, Annie-France Fourcade, Laurence Sarlangue.

- La chapelle rupestre et l'Ermitage Sainte-Catherine de Cambes ( Gironde), vie et mort d'un site "inscrit" dans le paysage historique de l'Entre deux mers, Thierry Mauduit et Virgine Perromat – éditions Aquitaine historique.